Les activités stratégiques croissantes de la Chine en Afrique reposent sur le hard power chinois

L'engagement militaire grandissant de la Chine en Afrique vise à promouvoir les intérêts économiques et stratégiques de Pékin, notemment son initiative « La Ceinture et la Route ».


Chinese peacekeepers in Mali. (Photo: MINUSMA/Harandane Dicko)

Casques bleus chinois au Mali. (Photo: MINUSMA/Harandane Dicko)

Le débat sur les relations Chine-Afrique est axé principalement sur les vastes projets d’infrastructure de Pékin à travers le continent. Bien qu’elles soient moins visibles, ses activités en matière de sécurité n’en sont pas moins importantes et leur envergure et leur portée se sont étendues en même temps que l’initiative « La Ceinture et la Route » (BRI), le programme phare du président Xi Jinping qui vise à renforcer les infrastructures, le commerce et les relations d’investissement en Afrique, en Asie du Sud et en Europe.

L’empreinte militaire grandissante de la Chine en Afrique s’inscrit dans une politique qui a pour objectif principal le rajeunissement de la Chine en tant que « grande puissance » ou shijie qiang guo. Au cours de la dernière décennie, la Chine a poursuivi une politique extérieure de plus en plus compétitive et agressive en rupture avec l’approche qui consiste à « Cacher nos capacités », « attendre notre heure », et « faire profil bas » que Pékin met en œuvre depuis des dizaines d’années et qui est connue sous le nom de taoguang yanghui. D’après Xi, « aujourd’hui, la Chine est résolument établie dans l’Est » et devrait « être sur le devant de la scène mondiale ».  Ce thème se retrouve dans le programme d’emploi diversifié des forces armées, la feuille de route de la Défense de la Chine, qui déclare qu’une armée de classe mondiale qu’on peut déployer dans le cadre d’une multitude de scénarios est indispensable au « Grand rajeunissement de la Chine ».

En 2015, la Chine a adopté une loi autorisant le déploiement à l’étranger de l’Armée populaire de libération (APL) et des autres forces de sécurité chinoises, dont la Police armée du peuple (PAP). Deux ans plus tard, Pékin a établi sa première base navale à Djibouti. En juillet 2018, l’APL a construit des structures supplémentaires sur la base et, en novembre, elle y a mené des exercices de tir en utilisant des véhicules blindés de combat et de l’artillerie lourde. C’était la première fois que la Chine menait des exercices d’une telle envergure sur un sol étranger. Le même mois, des hélicoptères de l’APL effectuaient des manœuvres d’entraînement à l’évacuation de victimes de guerre d’une frégate équipée d’un missile téléguidé au large de la côte de Djibouti, montrant ainsi la sophistication des capacités au sol et aériennes de la Chine dans la région, en plus de ses moyens navals.

En 2018, l’APL a effectué des manœuvres au Cameroun, au Gabon, au Ghana  et au Nigéria tandis que ses unités médicales travaillaient avec leurs homologues en Ethiopie, au Sierra Leone, au Soudan et en Zambie afin de renforcer leur capacité de prise en charge des victimes des combats. Ces efforts se produisent  dans le cadre de relations établies de longue date et qui prévoient également la vente d’armes et la coopération en matière de renseignements. En mai, le Burkina Faso a établi des relations diplomatiques avec la Chine et a retiré sa reconnaissance de Taïwan. De plus, l’APL établit des relations avec l’armée burkinabé qui, selon toute probabilité, devraient inclure des formations en matière d’antiterrorisme et de protection des infrastructures, deux éléments clés de l’engagement de la Chine au Sahel. Au Mali voisin, l’APL a déployé son 6e bataillon, composé de forces régulières et spéciales, dans le cadre de l’opération de maintien de la paix de l’ONU au Mali (MINUSMA) afin de protéger les personnels chinois et étrangers de la mission et d’assurer la sécurité des infrastructures critiques. Ce déploiement a favorisé une présence de la Chine en matière de sécurité dans un pays qui reste au cœur de son projet d’expansion de la BRI au Sahel et à l’ensemble de la région ouest-africaine.

Le rythme des initiatives visant la mise en place d’une politique globale d’assistance en sécurité s’est accéléré à l’inauguration du Forum sino-africain sur la défense et la sécurité qui s’est tenu du 26 juin au 10 juillet 2018 en amont du quatrième Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) en septembre. Des représentants des secteurs de la Défense d’une cinquantaine de pays africains ont établi de nouvelles priorités pour l’engagement chinois en matière de sécurité, dont la lutte contre le terrorisme et la piraterie ainsi que la protection des ressortissants chinois et des infrastructures économiques chinoises. Ces priorités constituent une part importante du Plan d’action Chine-Afrique 2019-2021 qui établit le cadre global des programmes de sécurité de la Chine en Afrique.

Réorientations stratégiques et politique émergente

d’histoire de civilisation, la nation chinoise a créé une civilisation chinoise exceptionnelle, apporté des contributions extraordinaires à l’humanité et est devenue une grande nation du monde » a déclaré Xi lors du 19e Congrès du Parti communiste chinois qui s’est tenu en octobre 2017. Dans le cadre de cette vision, Pékin cherche à élargir son influence économique et militaire mondiale et promouvoir ses modèles et ses règles. Ses relations renforcées avec l’Afrique, ancrées dans les relations entre les partis et les liens idéologiques qui remontent à l’époque où elle soutenait les mouvements anticolonialistes et anti-apartheid, sont une part importante de cette démarche car le soutien de l’Afrique aux positions de la Chine aux Nations Unies et dans d’autres organisations permet d’amplifier sa voix sur la scène mondiale.

L’Afrique représente une opportunité pour Pékin de prendre la place qu’elle est pretend occuper de par sa prééminence mondiale.

Deuxièmement, l’Afrique est un nœud stratégique dans la portion maritime de la BRI. Connue sous le nom de Route de la soie maritime, elle relie la Chine à l’Afrique de l’Est, à l’Asie du Sud-Est, au Golfe persique et à l’Europe et, récemment, elle s’est étendue à l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique australe. La Banque mondiale estime que les relations d’investissement entre la Chine et les soixante-cinq pays qui ont intégré la BRI représentent 30% du PIB mondial et 75% des réserves énergétiques connues. La Chine a pour objectif d’augmenter son PIB à hauteur de 20 000 milliards de dollars à l’horizon 2020 et de devenir une grande puissance d’ici 2049. Selon Pékin, cet objectif ne peut être atteint sans renforcer ses relations avec les corridors commerciaux le long de la BRI. La coopération grandissante de la Chine avec l’Afrique dans le secteur maritime, à travers la construction de ports et d’infrastructures et la mise en place de patrouilles anti-pirates, s’inscrit dans une stratégie géopolitique et économique globale.

Les entreprises chinoises sont en train de construire des lignes ferroviaires pour relier le Mali, un pays enclavé, aux ports de Dakar au Sénégal, et de Conakry en Guinée. Certaines des infrastructures passent par des zones touchées par des groupes extrémistes violents au nord du Mali, suscitant ainsi des préoccupations quant à la sécurité des milliers d’employés des chemins de fer chinois. Ce fut l’une des raisons principales qui ont poussé Pékin à participer à la MINUSMA. Des préoccupations similaires ont décidé la Chine à former une force de sécurité locale pour la protection de la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse reliant Mombasa et Nairobi au Kenya. Ce projet de 4 milliards de dollars est un joyau de la BRI en Afrique de l’Est et le projet le plus coûteux jamais entrepris au Kenya. Dans la mesure où ce type de formation est normalement confié aux forces d’élites de la Police armée du peuple, elle favorisera probablement l’accès de cette dernière sur le continent africain.

The Belt and Road Initiative Global Infrastructure Network

(Image: Mercator Institute for China Studies)

Troisièmement, le gouvernement chinois reconnaît la nécessité d’assurer la protection d’un nombre croissant d’expatriés travaillant sur des projets BRI à travers l’Afrique, soit presque 300 000 personnes. De manière générale, les partenaires africains, en raison de leurs intérêts directs dans ces projets, partagent les préoccupations de Pékin en matière de sécurité. Au Kenya, le président Uhuru Kenyatta a menacé d’exercer ses pouvoirs exécutifs pour autoriser l’application de la peine capitale aux « saboteurs économiques » à la suite d’actes de vandalisme perpétrés sur certains tronçons de la nouvelle ligne de chemin de fer. En Ouganda, le président Yoweri Museveni a donné l’ordre à l’armée d’assurer la protection des parcs industriels et entreprises chinois à la suite d’une séries d’attaques perpétrées sur les ressortissants et biens chinois. Ces dernières années, des attaques similaires sont survenues au Ghana, au Lesotho, à Madagascar, en Afrique du Sud, au Sud Soudan et en Zambie.

Au titre du Plan d’action Chine-Afrique 2019-2021, 50 nouveaux programmes de sécurité ont été mis en place afin de faire face aux risques grandissants qui menacent la BRI, à travers l’assistance antiterroriste, les activités policières, les systèmes d’alerte rapide ainsi que la protection des infrastructures en plus de l’assistance militaire traditionnelle. Ces programmes ont, de ce fait, permis d’étendre la portée des services de sécurité de la Chine. Le rôle de l’Office de coopération militaire internationale de l’APL, un organe de la puissante Commission militaire centrale présidée par Xi, a été élargi, en partie pour répondre aux exigences des nombreux programmes chinois en Afrique. L’APL a également modernisé son Centre de formation militaire pour le maintien de la paix à Huairou afin de soutenir un programme ambitieux de formation de 2 000 soldats du maintien de la paix internationaux d’ici 2020 dont une majorité d’Africains.

La feuille de route de la Défense de la Chine engage l’APL à jouer un rôle plus proéminent dans la nouvelle stratégie de diplomatie militaire et de sécurité nationale de Pékin, marquant davantage une rupture avec l’approche « faire profil bas ». La participation de la marine de l’APL dans des patrouilles antiterroristes internationales dans les golfes d’Aden et de Guinée, le premier déploiement de la marine de la Chine en dehors de l’Asie, est un exemple de recalibrage de l’engagement de l’APL. Une présence navale en Afrique donnera à la Chine plus de latitude pour soutenir ses soldats deployés dans le cadre d’opérations maintien de la paix, ses activités humanitaires ainsi que ses opérations lourdes de sécurité. Ensemble, ces déploiements forment un éventail de déploiements diversifiés que l’APL appelle « nouvelles missions historiques ».

Les capacités de la marine chinoise se sont avérées vitales lors de l’évacuation de plus de 35 000 ressortissants chinois confrontés à la spirale de violence en Libye en 2011 et de 200 ressortissants chinois au Yémen en 2015. La mise en service du deuxième porte-avions chinois – le premier construit localement – est prévue pour avril 2019. Deux porte-avions supplémentaires sont attendus d’ici 2025. Cette rapide croissance vise à augmenter la capacité de la marine de l’ALP à intervenir au sein de ce qu’elle appelle « mers lointaines » qui s’étendent du de l’ouest du Pacifique à l’Océan Indien.

Un examen des engagements de la Chine en matière de sécurité

Le Document de la politique de la Chine à l’égard de l’Afrique, publié en 2015, appelle à un engagement militaire approfondi, une coopération technologique et un renforcement des secteurs de la sécurité africains. Bien que les initiatives d’assistance à l’UA et ses communautés régionales dans le secteur de la sécurité se soient multipliées considérablement au titre de cette politique, Pékin canalise l’essentiel de son soutien de façon bilatérale, la vente d’armes étant un élément important de ce soutien. D’après l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, la Chine est actuellement le plus grand fournisseur d’armes en Afrique sub-saharienne avec 27 % des importations de la région entre 2013 et 2017, soit une hausse de 55 % sur la période 2008-2012. L’Algérie, l’Angola, le Gabon, le Mozambique, le Nigéria, le Soudan du Sud, le Soudan et l’Ouganda sont parmi les 22 pays africains qui ont importé des armes de lChine ces dernières années.

La Chine a diversifié ses ventes en passant des petites armes et armes légères aux chars d’assaut, véhicules de transport de troupes, avions de patrouille maritimes, missiles, drones ainsi qu’à l’artillerie. Par ailleurs, elle se concentre de plus en plus sur le renforcement des capacités institutionnelles dans le secteur de la sécurité en Afrique. En 2018, l’Administration d’État pour la science, la technologie et l’industrie de la défense nationale (SASTIND) a annoncé la conclusion d’accords avec 45 pays africains sur le partage de technologies de la défense et la création d’industries de la défense.

La présence d’un réseau de ports et d’infrastructures construits par les Chinois le long des côtes est, ouest et sud d’Afrique permettent à la Chine de se positionner comme acteur majeur dans l’espace maritime africain. Le port polyvalent de Doraleh à Djibouti, construit par China Merchants Group, une entreprise soutenue par l’État chargée de la gestion des marchandises en vrac, des conteneurs et du transport de pétrole – se trouve à quelques minutes en voiture de la base navale de l’APL. Cette organisation inédite permet à la Chine d’agréger les activités commerciales et militaires à Djibouti et sur l’ensemble de la région. Par exemple, une nouvelle ligne ferroviaire électrique financée par la Chine assure le lien entre Djibouti et l’Ethiopie. Le port de Doraleh, à son tour, relie l’Ethiopie et d’autres pays de la Corne de l’Afrique à des pôles portuaires construits par la Chine dans le Canal de Suez, le détroit d’Hormuz et à Gwadar au Pakistan, sur la mer d’Oman. (Les spéculations vont bon train sur l’intention de la Chine de construire sa deuxième base navale à l’étranger à Gwadar).

Walvis Bay en Namibie (un ancien avant-poste naval de l’Afrique du Sud sous l’apartheid) est un autre centre stratégique le long de la Route de la soie maritime qui a accueilli de nombreuses visites de la marine de l’APL ainsi que des manœuvres navales ces dernières années. Les marines namibienne et chinoise ont une relation militaire privilégiée qui remonte à l’époque où la Chine soutenait la guerre d’indépendance de la Namibie contre l’Afrique du Sud. Certains des moyens navals les plus avancés de la Namibie ont été fournis par les Chinois, dont deux navires de patrouille livrés en octobre 2017. Lors d’une réception diplomatique en février 2018, l’ambassadeur de Chine en Namibie a décrit Walvis Bay comme « la perle la plus brillante sur la côte atlantique du sud-ouest de l’Afrique», évoquant ainsi la stratégie dite du « Collier de perles », qui fait référence aux nœuds militaires et commerciaux le long des lignes de communication de la Chine qui vont du littoral chinois en Somalie et à Port-Soudan.

La presse namibienne a supputé que la Chine cherchait à établir des installations navales à Walvis Bay selon le modèle de Djibouti en faisant remarquer les similarités avec l’approche que la Chine avait adoptée pour acquérir sa base à Djibouti, un processus qui a  commencé avec la construction d’un port en eau profonde. L’expansion de Walvis Bay est le projet qui tient le plus à cœur à la Chine en Afrique. Une fois le port construit, il assurera la liaison entre l’Afrique australe et les ports et infrastructures de la China Harbor Engineering Company à São Tomé-et-Príncipe, au Cameroun, au Nigéria, au Ghana, en Côte d’Ivoire et en Guinée ainsi que les installations prévues en Gambie et au Sénégal. Ces corridors maritimes, qui sont tous des nœuds essentiels de la Route de la soie maritime, ont d’importantes dimensions de sécurité.

Par exemple, les 27e et 28e forces opérationnelles anti-pirates de la marine de l’APL ont visité des ports au Cameroun, au Ghana et au Nigéria lorsque ces trois pays ont intégré la BRI. Tous les trois ont signé des accords militaires avec la Chine portant sur la formation, l’achat d’armes, le partage des informations, la navigation maritime ainsi que la sécurité maritime. La 28e force opérationnelle a également visité le Gabon et l’Afrique du Sud. L’initiative chinoise de 2017 intitulée « La Ceinture et la Route : conception et vision de la coopération maritime » souligne davantage les éléments de sécurité de la BRI. Elle engage Pékin à élargir la formation et les patrouilles conjointes anti-pirates, mener des activités policières et de sécurité marines ainsi qu’à améliorer la sensibilisation au domaine maritime à travers l’utilisation coopérative du système satellite Beidou de la Chine. La marine de l’APL se donne du mal pour minimiser l’importance militaire de ses activités dans les mers africaines. En 2017, le navire-hôpital Peace Ark de la Chine a visité sept pays côtiers d’Afrique pour proposer des services médicaux et humanitaires à des milliers de citoyens africains dans une grande démonstration de soft power.

Casques bleus chinois au Darfour, au Soudan.(Photo: UN/Stuart Price)

Casques bleus chinois au Darfour, au Soudan.(Photo: UN/Stuart Price)

Le maintien de la paix est l’autre domaine dans lequel l’influence de la Chine dans les secteurs de la sécurité en Afrique grandit. Pékin envoie plus de troupes dans les missions onusiennes que les autres membres permanents du Conseil de sécurité et la Chine est aujourd’hui le deuxième plus grand contributeur financier aux missions de l’ONU. C’est une démarche stratégique qui vise à renforcer l’image de Pékin en Afrique car, non seulement 78% des soldats du maintien de la paix servent en Afrique, mais presque la moitié des effectifs sont Africains. La stratégie de la Chine en matière de maintien de la paix donne la priorité au soutien à l’opérationnalisation de la Force africaine en attente (FAA) et de la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises. À cette fin, le Fonds Chine-Afrique pour la paix et la sécurité a accordé 100 millions de dollars à ces deux organes. En février 2018, 25 millions de dollars ont été alloués à la base logistique de la FAA au Cameroun. Le même mois, la Tanzanie a ouvert un centre de formation militaire de 30 millions de dollars financé par la Chine. En mai, la Chine a signé un accord avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour la construction du siège de cette dernière à Abuja, au Nigéria. En septembre, la Chine a commencé la construction d’un dépôt logistique pour la force en attente de la Communauté de développement de l’Afrique australe au Botswana.

La centralité de l’Initiative de ceinture et de route dans la stratégie globale de la Chine laisse à penser que l’empreinte militaire et de sécurité de la Chine en Afrique continuera de se développer.

Dans la mesure où les infrastructures de la BRI sont, pour la plupart, situées dans des zones très dangereuses, l’APL a mis sur pied sa propre force d’attente forte de 8 000 soldats tout en continuant à fournir un appui à la FAA. Cette nouvelle force a été mise à la disposition des Nations Unies en vue d’un déploiement rapide dans les zones de conflit dont la plupart se trouvent en Afrique. D’après les Nations Unies, 800 de ses membres intègreront la brigade d’avant-garde des Nations Unies, une nouvelle force de réaction rapide qui peut être déployée en 60 jours. Les déploiements pour le maintien de la paix et de militaires non combattants de la Chine sont concentrés dans des pays où ses plus importantes activités économiques et militaires sont en jeu. L’instabilité au Soudan du Sud par exemple, a entrainé des dégâts aux infrastructures pétrolières chinoises et des attaques contre les travailleurs pétroliers chinois. Ces missions sont souvent accompagnées d’initiatives de médiation chinoise de haut niveau, une approche en rupture avec l’ancienne politique de non-ingérence de la Chine. Les initiatives de médiation de la Chine en République démocratique du Congo, au Soudan du Sud, au Soudan et au Zimbabwe et sa proposition de servir de médiateur dans le conflit frontalier entre l’Erythrée et Djibouti en sont de bons exemples. Cette médiation vise souvent à maintenir les dirigeants autocrates avec lesquels Pékin entretien des bonnes relations et par l’intermédiaire desquels des investissements stratégiques en ressources naturelles et infrastructures peuvent être garantis.

La Chine se propose également de doubler la formation de professionnels militaires africains au cours des trois prochaines années. Plusieurs centaines d’officiers font des études en Chine tous les ans dans des institutions telles que l’Académie militaire chinoise, l’Académie navale de Dalian, l’Académie de l’aviation des Forces aériennes, ainsi que l’Université de la Défense nationale de l’APL. L’exposition à l’approche chinoise quant à la gestion et au contrôle militaires est au cœur de cette formation. Dans le modèle chinois, l’APL est subordonnée au contrôle absolu du parti au pouvoir qui, lui, prime sur le gouvernement et l’Assemblée nationale.

En revanche, la plupart des constitutions africaines placent l’armée sous le contrôle civil et le contrôle législatif multipartite. Ainsi, certains observateurs africains ont exprimé leur inquiétude à l’égard de l’application systématique du modèle chinois, qui selon eux, pourrait avoir des conséquences fâcheuses dans la mesure où les styles de gouvernance marqués par la personnalisation du pouvoir et la tendance à contourner les freins constitutionnels sont monnaie courante.

Chinese mediation activities around Belt and Road

(Image: Mercator Institute for China Studies)

Les perspectives pour l’avenir

Le fait que l’initiative « La Ceinture et la Route » soit au cœur de la stratégie mondiale de la Chine porte à croire que l’empreinte de la Chine dans les secteurs militaire et de la sécurité continuera à grandir. Le Forum sur la coopération sino-africaine a permis à la Chine de mettre au point ses politiques afin de promouvoir ses objectifs économiques et de sécurité. Toujours attentive au message et à l’image qu’elle renvoie, la Chine se donne beaucoup de mal pour renforcer l’idée que le respect mutuel, et non des desseins hégémoniques, est au cœur de ses ambitions de leadership. En outre, les dirigeants politiques et militaires chinois soutiennent que le rôle militaire grandissant de la Chine en Afrique et à travers le monde est défensif et collaboratif et que la Chine propose des options viables dans la mesure où les puissances mondiales semblent se désengager du monde en développement.

Par ailleurs, la Chine indique clairement que la BRI est compatible avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine en donnant la priorité au commerce ouvert, à l’industrialisation et au développement d’infrastructures, des thèmes qui trouvent un écho auprès des gouvernements africains et qui font partie du partenariat stratégique entre l’UA et la Chine.

Les citoyens africains font de plus en plus pression sur leurs dirigeants pour qu’ils gèrent leurs relations de sécurité avec la Chine de manière à ne pas renforcer ces tendances.

Toutefois, les aspects les plus controversés de la stratégie de la Chine en matière de sécurité continueront à façonner le débat sur les relations Chine-Afrique. Les dettes grandissantes des pays partenaires de la BRI auprès des banques d’État chinoises qui financent les mégaprojets de la Chine suscitent des inquiétudes tant en Afrique qu’auprès de la communauté internationale. En même temps, le sentiment anti-chinois s’est beaucoup intensifié dans de nombreux pays, essentiellement à cause de pratiques d’embauche qui favorisent les ressortissants chinois aux dépens des habitants locaux. En outre, on observe une prolifération des services de sécurité privés implantés dans les zones mal réglementées d’Afrique car les projets BRI se multiplient plus rapidement par rapport à la mise en place de mécanismes de supervision.

De plus en plus, les citoyens africains mettent la pression sur leurs dirigeants pour qu’ils gèrent leurs relations avec la Chine en matière de sécurité de telle manière à éviter de renforcer ces tendances tout en favorisant un concept de sécurité plus global qui va au-delà de la survie du régime. Cette tension entre les citoyens africains et les gouvernements est susceptible de s’intensifier car dans son ambition de se repositionner comme une grande puissance, la Chine cherche à élargir son influence dans les secteurs de la sécurité en Afrique.


Ressources complémentaires